Pars et ne dis rien by Bouin Philippe

Auteur:Bouin, Philippe [Bouin, Philippe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Teur
Publié: 2012-01-10T23:00:00+00:00

Anonyme

Vincent Doumar entra dans son vaste bureau où il était interdit de fumer.

La nuit même, il était venu à bout du livre de Jovien. Sacré supplice pour ce fana de polars américains – pas de français, tous écrits, à son goût, dans la même veine anar. Mais enfin c’était fait, il savait de quoi parlait ce bouquin.

Il se servit un café et partit le boire dans son fauteuil.

Puis réfléchit en l’avalant à petites gorgées.

Est-ce que tout ce que racontait Porol était vrai? Bof, ce gus foutait le bordel, c’est tout ce qui comptait. Aujourd’hui, le public ne s’intéressait plus qu’aux ragots, qu’aux scandales, qu’aux cons qui se mettaient une plume dans le cul sur les réseaux sociaux. Doumar était bien placé pour le savoir: chaque fois qu’il présentait un sujet culturel, l’audience chutait brutalement. À l’inverse, elle grimpait quand il interviewait des nanas dévêtues. Ou un illuminé qui avait vu un ovni. Ou l’inventeur d’un régime miracle. Ou un groupe de rap qui crachait sur les flics.

La zapette était l’ennemie de la culture. Arte ne pouvait dire le contraire.

Après avoir tout essayé pour séduire les masses, Doumar ne se berçait plus d’illusions. Pour durer dans ce métier, il devait servir au plus grand nombre son taf de sensations.

Le livre de Porol allait lui en donner. Mais pas comme l’auteur l’espérait. Ses diatribes contre les institutions méritaient un développement plus fout la merde que littéraire. L’ennui pour Porol était que l’Audimat se fichait de la misère. À l’heure des repas, elle ne faisait pas recette. D’ailleurs, si Porol avait plu, c’était grâce à son coup de chaud. À la télé, les gueulantes sont payantes.

Pour tirer le meilleur de sa révolte, Doumar envisagea de lui consacrer son hebdo. L’émission attirait tous les âges. Porol en serait l’invité principal. En une heure, il pourrait s’emporter bien plus qu’en sept minutes. Doumar avait retenu la leçon: il servirait la soupe à ses indignations.

Cette stratégie lui parut efficace. Mais puisque rien ne se construit au hasard, il prit un stylo plume pour noter ses idées.

Et le posa pour répondre au téléphone.

— Vincent Doumar, je vous écoute.

Pour commencer, il entendit un raclement de gorge. Puis une voix d’homme, à l’accent de la région, lui succéda en clé de fa.

— Ceci est un appel anonyme, monsieur Doumar, je vous contacte d’une cabine, vous ne pourrez pas remonter jusqu’à moi.

Encore un fou qui allait l’insulter. Comment avait-il eu le numéro de sa ligne directe ? Doumar faillit raccrocher.

— Jovien Porol, je sais des choses sur lui… Des révélations stupéfiantes…

Là, ça changeait tout. Doumar reprit son stylo plume.

— Allez-y, je suis tout ouïe.

— Il y a sept ans, en septembre 2004, Porol a été le complice d’un crime. C’est pour échapper à la justice qu’il est parti en Afrique.

— Précisez.

— La victime était une étudiante vietnamienne. On a retrouvé son corps au bord de l’étang de l’Or. Cette affaire vous revient en mémoire ?

— Non, à l’époque j’achevais mes études à Paris.

— En cherchant bien, vous la retrouverez dans vos archives.

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